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sais-tu qu’elle vaut bien soixante ducats ? Mon cher petit frère Lorenzo, prête-la-moi un instant.

— Pourquoi te la prêter ?

— Pour la montrer à Polissena. Demain, je la porterai à un vieil orfèvre de ma connaissance, et il faudra que le bonhomme soit de bien méchante humeur s’il ne me prête pas au moins vingt-cinq scudi sur le bijou : je te le rendrai dans un mois.

— Voilà un beau marché, mon frère.

Mais Arrivabene, sans se décourager, m’avait pris le bras, en faisant le geste de caresser des chairs arrondies :

— Tu ne sais pas combien c’est ferme et délicat chez elle : pour moi je n’ai nulle jalousie, et, demain matin, si tu le désires, tu pourras, par toi-même, apprécier mon bon goût.

— Grand merci ! répondis-je.

Alors Arrivabene, voyant que je dédaignais ses offres les plus séduisantes, serra les poings et me lança un coup d’œil si terrible que je crus qu’il voulait m’assassiner. Mais il n’eut pour moi qu’une injure :

— Porc ! fit-il, je savais bien que tu n’étais qu’un porc !

Et, me tournant le dos, il alla s’asseoir sur un banc écarté, loin des femmes.

Tout était redevenu calme au palais Benzoni, continuait la Nichina, quand Fasol parut. Il n’avait rien vu de l’émeute, mais, apprenant que l’on avait conduit Gennaro en prison, il ne dissimula point sa joie.

— C’est de la bonne viande pour le bûcher, s’écria-t-il.

Il apportait cependant de mauvaises nouvelles : maître Pasquin avait fait des siennes ; dans un sonnet