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ne doit compter que sur la bourse de son prochain.

— Mon cher frère Lorenzo, écoute-moi, je suis bien malheureux.

— C’est la première fois de ta vie ?

— Ne plaisante pas, je n’ai pas envie de rire : il me faut de l’argent et je n’ai pas un scudo.

— Et que sont devenus les dix scudi de la quête ?

— Je les ai donnés à un pauvre.

— Le père Antonio sera bien content demain de nous voir arriver les mains vides ! Et de quoi as-tu donc besoin ?

— J’ai besoin de faire l’aumône.

— À cette heure ?

— À cette heure. J’aime mieux tout t’avouer. Il y a une petite femme pleine de grâces et d’esprit, aussi belle qu’aimable et qui est plus malheureuse que Job sur son fumier, à cause de deux vieux marchands juifs à qui elle doit quelques ducats et qui la poursuivent comme les chasseurs traquent avec leurs limiers une bête sauvage.

— J’admire ta comparaison. Et cette pauvre petite femme si malheureuse, c’est sans doute Polissena ?

— Tu l’as deviné !

— Je croyais que cette pauvre petite femme ne te faisait point payer ses faveurs ?

— Non seulement elle ne me fait point payer ses faveurs, mais encore elle est toute prête, à l’occasion, à m’initier à ses bénéfices. Seulement, aujourd’hui, elle se trouve dans une telle infortune qu’il ne faudrait pas avoir d’âme ni de cœur pour ne pas être ému de compassion… Ah ! ah ! ajouta-t-il en me considérant le cou, la belle croix que tu as là, mon frère.

— C’est la croix de ma mère.

— La croix de ta mère ou la croix de ta tante,