— Ah ! je l’avais toujours dit, s’écria la vieille Petanera en interrompant la conteuse.
— Qu’est-ce que vous aviez toujours dit ?
— Tel père, tel fils. Du moment que le père était voleur, le fils devait être assassin.
— Voilà un axiome, me permis-je d’ajouter, que l’Université de Padoue serait bien heureuse de connaître : il manque assurément à sa collection.
— Et regardez si ce coquin d’Arrivabene a l’air de s’émouvoir de ce qu’on raconte !
— Arrivabene, criai-je, viens donc te défendre ! On te reproche de ne pas écouter le récit de Madame Nichina dont cependant tu pourrais tirer profit pour ton existence.
— Mon frère, dit Arrivabene, qui chatouillait la petite Polissena, je contemple la beauté de Dieu auprès de laquelle les plus beaux récits des hommes et même des dames ressemblent à des crottes de chèvre à côté de ducats d’or.
— On te reproche aussi, continuai-je, de supporter bien gaillardement la vie pour un criminel.
Du coup, le frère se leva, et, sur un ton indigné, se frappant la poitrine comme au Confiteor :
— Je suis criminel ! moi ! moi !
Mais Madame Petanera sans le regarder et avec un mépris suprême lui adressa cette réponse :
— Oui, vous êtes criminel, n’avez-vous pas voulu le prendre à Madame Nichina ?
— Moi ? j’ai voulu le prendre à Nichina ?… Ah ! c’est vrai, autrefois, il y a des années. Vous venez nous parler du lait quand il est en fromage.
— Enfin, vous avez un joli passé !
— Ah ! si vous aviez vu Nichina dans ce temps-là ! qui n’eût pas été tenté ? elle était si jolie !
— Et maintenant, dit Nichina, je ne suis plus bonne à jeter aux chiens ?