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commanda de fermer les portes d’un geste si impérieux que pour la première fois les domestiques lui obéirent. Cette mesure souleva une agitation violente sur la petite place où se pressait déjà toute une multitude.

— Allons, qu’y a-t-il encore ? dit Coccone qui était de très mauvaise humeur.

Les cris qui s’élevèrent du dehors lui répondirent.

— Violateur d’enfant ! grondaient les voix, porc ! porc !

Arrivabene, agité d’un tremblement et devenu verdâtre de frayeur, demeurait assis sur ses talons dans un coin du vestibule, et, l’oreille tendue aux clameurs de la populace, il ne perdait pas une insulte.

— Je comprends maintenant pourquoi on vous en veut, reprit Coccone, vous pouvez dire que vous êtes un joli oiseau, mon frère.

— Seigneur abbé, je vous prie, ne croyez pas un mot de tout ce que raconte cette multitude. N’est-ce pas, Nichio, que tous ces gens sont des menteurs ?

L’abbé, jusqu’alors, n’avait pas daigné me considérer ; remarquant le désordre et l’indécence de ma mise que, dans mon émotion, je n’avais pas encore pris soin de réparer, il tourna vers moi toute sa fureur.

— C’est donc vous, messer Nichio, signorina Nichia, qui êtes cause de ce tumulte. Je vais vous faire jeter dans un cachot, pour troubler ainsi le palais de Monseigneur le légat.

J’étais plus morte que vive et c’est à peine si je pris garde à la protestation d’Arrivabene.

— Oh ! ayez pitié d’elle, seigneur abbé, elle n’est pas coupable, disait cette bonne âme.

Cependant le bruit augmentait aux portes.

Monseigneur Benzoni était fort mal vu à Venise. Son orgueil, ses richesses, sa maison, composée en grande partie de prêtres et d’officiers romains, de