Il me fut donné de connaître Charles Cros, un des soirs de l’hiver 1883, à la maison de bois. La maison de bois était un chalet suisse à l’usage d’estaminet sis 139, rue de Rennes. Elle existe toujours, mais a changé de destination et la façade en est masquée par une construction neuve. Cette sorte de baraquement faisait tache dans le correct décor de pierre d’alentour. Comme il était en retrait de l’alignement et de la mode, il semblait en retrait de la vie. La foule le méprisait, passait devant sans s’y arrêter. Ses deux vastes salles, celle du rez-de-chaussée, garnie d’un billard, et celle de l’étage, ornée d’un piano, semblaient, sous la surveillance d’un garçon fantôme, se morfondre dans l’attente d’un client improbable. Cette solitude plut à Charles Cros qui logeait en face et qui abandonna pour elle le café de Versailles où, chaque soir, il allait rejoindre Coppée, Richepin et Raoul Ponchon. Le lieu lui parut propice pour s’affranchir de la « cohue des gens trop laids ». Il y convoqua ses amis. L’ordre des Zutistes était fondé.