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sympathies. Certes ! ce fils d’Apollon lance aussi vigoureusement les flèches que les rayons. Il unit à la vigueur de Tyrtée la verve malicieuse d’Aristophane. Comme Achille, lorsqu’il paraît, Tailhade jette dans le camp ennemi une soudaine épouvante, mais il n’a rien d’un fanatique, et il tolère chez ses amis l’indépendance des sentiments. Je le soupçonne même d’avoir moins de haine contre les personnalités qu’il malmène que contre les idées qu’elles représentent. Il lui arrive quelquefois d’oublier un nom en route, le temps d’une édition nouvelle. Ce qu’il vise, c’est, avant tout, la puissance du préjugé, la tyrannie de la sottise. Il faut lui rendre cette justice qu’il ne s’attaque qu’à des puissants du jour, qualifiés pour lui répondre par la plume ou par l’épée, et qu’on le trouve toujours du côté des opprimés, des affamés de justice et de vérité.

Il peut bien lui arriver de se méprendre. N’a-t-il pas dit lui-même : « Le Pauvre Monde est sujet à l’Erreur » ? Mais, au moins, souffre-t-il qu’en sa présence on dise du bien de ses ennemis, et, justement, le voici qui cause amicalement avec Ledrain qui vient de consacrer, dans la Nouvelle Revue, Marie Krysinska, chef de l’école symboliste. Je l’ai vu tout à l’heure écouter de la bouche d’un poète roman l’éloge de Moréas. Un