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Dequillebec vivait là, entouré d’une affection dévouée et sincère. Il se garait comme il pouvait de l’humidité et des courants d’air. Il avait peint des paysages et des marines sur la nudité des murs. Je me souviens. Avec quelle joie il m’avait fait, l’été dernier, les honneurs de son ermitage. Bien que souffrant, il avait tenu à me conduire sur le balcon pour me faire admirer le décor mouvant des verdures. Il dut rentrer précipitamment et clore la fenêtre. Une toux opiniâtre le secouait. Il revint s’asseoir dans la chambre où, en dépit de la saison, odorait un doux feu de bois. L’ombre du feuillage dansait sur les murs. La gaieté du ciel et des arbres, le piaillement criard des moineaux, l’allégresse des cloches qui appelaient aux vêpres du dimanche, la quiétude heureuse, l’apaisement des choses de ce coin provincial, accentuaient le délabrement de la salle nue et froide où toussait ce pauvre malade, en qui les yeux seuls brillaient, comme si tout le vœu de vivre s’y était réfugié. Des pastels anciens, des portraits de famille se fanaient aux murs, tristement, et tandis que, près de nous, rôdait un doux sourire de femme attentive, surveillant la bouilloire où chantait l’eau des tisanes, le moribond, comme dans une protestation dernière, en dépit du mauvais sort,