Mais ceux que je guéris n’ont pas le tendre émoi
Qu’il sied d’avoir pour tant d’obligeance épandue
Et leur œil, en partant, ne tourne pas vers moi
L’aveu de la reconnaissance qui m’est due.
Nul d’eux, lorsqu’on m’aura jetée en quelque coin
De terre, où poussera vite l’herbe oublieuse,
Sur ma tombe solitaire, n’aura le soin
D’apporter quelque fleur pauvre et silencieuse.
Que dis-je ? mon rappel leur serait importun.
Ils en ont peur comme on a peur de quelque fièvre,
ils ne voudront pas même odorer le parfum
De mon nom, revenant, violette, à leur lèvre.
Pourtant, poètes chers, je m’en réfère à vous ;
Malgré tous les mépris que j’inspire et les blâmes
Qu’on me jette en passant comme autant de cailloux,
N’ai-je pas tout le dévouement des saintes femmes ?
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