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INTRODUCTION



Baudelaire est mort depuis plus d’un demi-siècle et son génie reste si présent, si doué de prodigieuses qualités de vie agressive et militante qu’il est encore impossible de citer son nom sans provoquer une explosion de sentiments divers où la haine et l’admiration ont part égale.

Il en fut toujours ainsi. L’apparition des Fleurs du Mal fit se lever deux camps de thuriféraires et de détracteurs inconciliables. De son vivant, Baudelaire avait pour lui Hugo, Vigny, Banville, Flaubert. L’ennemi, c’était Gustave Bourdin, J. Habans et Pontmartin.

Hier, tandis que les symbolistes se réclamaient de Baudelaire, tandis que l’élite de la jeunesse lettrée lui donnait le pas sur Lamartine, Musset, Leconte de Liste (quelques-uns même sur Hugo) ; tandis que Maeterlinck proclamait Baudelaire « le chef spirituel de sa génération », Brunetière l’accusait « d’ériger en exemple la débauche et l’immoralité » et d’avoir « corrompu la notion même de l’art ». Il y a déjà une indication dans la qualité de ses partisans, et la boutade d’Auguste Vitu suffirait, pour des esprits simplistes, à résumer la situation : « Baudelaire est une pierre de touche, il déplaît invariablement aux imbéciles. »