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charles baudelaire

C’était une fille de couleur, de très haute taille, qui portait bien sa tête ingénue et superbe, couronnée d’une chevelure violemment crépelée et dont la démarche de reine, pleine d’une grâce farouche, avait quelque chose de divin et de bestial.

Nadar insiste sur sa taille onduleuse de couleuvre et l’exubérant développement des seins. Les hanches étaient un peu étroites, mais c’était, dit-il, à l’avantage « du reste » et parce que « la nature reprend sur la part de l’un les bénéfices de l’autre ».

Il résume ainsi son jugement :

Elle était belle, rien de Phidias, mais un spécial ragoût raffiné — des yeux grands comme des soupières — nez petit, délicat, aux ailes et narines incisées avec finesse exquise — bouche admirablement meublée, d’un beau dessin, sérieux, fier, dédaigneux — nulle trace de

    « J’ai été amené, dans le catalogue que j’ai dressé, en 1900, des œuvres d’Edouard Manet à décrire no 35 (1861-62) :

    « Une femme étendue sur un canapé, dite la maîtresse de Baudelaire » avec ces détails : « La femme qui devait être une créole avait été amenée dans l’atelier de Manet par Baudelaire et elle passait pour être sa maîtresse. »

    « C’est tout ce que j’avais pu recueillir de renseignements au moment où je dressais mon catalogue, Manet n’étant plus là. Je vois maintenant que cette femme peinte par Manet était Jeanne Duval. Je me rappelle très bien le portrait. Ce n’était pas une femme nègre ni même une mulâtresse, mais elle était très brune et avait une conformation laissant deviner une part de sang nègre. Ce devait être une quarteronne.

    « Le tableau est malheureusement passé depuis longtemps en Allemagne et je n’en puis retrouver ici la reproduction ».