Page:Raynaud - Baudelaire et la Religion du dandysme, 1918.djvu/52

Cette page a été validée par deux contributeurs.

poètes et d’artistes dont elle aimait à s’entourer. Ses familiers l’avaient surnommée la Présidente, et ce titre l’agrémente d’un parfum XVIIIe siècle, lui confère une sorte de préciosité galante. Tous les dimanches, dans son coquet et lumineux logis de la rue Frochot, aux clairs vitrages peints de fleurs, et qu’emplissait un bruit de volières, elle tenait table ouverte. L’élite des écrivains du temps s’y donnait rendez-vous. Les plus illustres, les plus solennels se faisaient gloire de déposer leur auréole au vestiaire pour descendre à la cordiale familiarité du lieu. L’entrain et la bonne humeur caractérisaient ces réunions où l’apparat n’était admis que dans le service de table, l’éclat de l’orfèvrerie, des cristaux, et la bonne chère. Chacun avait son surnom d’intimité : le père Hugo, l’oncle Beuve, le beau Théo. Feydeau, c’était le colonel des Métaphores ; Barbey d’Aurevilly, que l’on désignait, chez Veuillot, la « corsetière », devenait ici le « Connétable ». L’embonpoint onctueux de Bouilhet lui valait d’être appelé « Monseigneur ». Flaubert portait l’étiquette, on ne sait trop pourquoi, de « Sire de Vaufrilard ».

Qu’était-ce, au juste, sous sa légende empruntée d’Égerie, que cette Madame Sabatier, de souche bourgeoise, entretenue par le financier Mossel-