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ET LA RELIGION DU DANDYSME

Corot, de Troyon, de Théodore Rousseau, montre qu’il vibrait à l’unisson de ces grands interprètes de la Nature, et qu’il était, comme eux, sensible aux charmes de la Poésie champêtre. Je n’en veux pour preuve que cette impression furtive cueillie aux pages de son journal : « Les ténèbres vertes dans les soirs humides de la belle saison… »

Brunetière, dans son réquisitoire, reproche à Baudelaire de se faire « l’admirateur de sa propre laideur ». Comment a-t-il osé proférer une pareille imposture quand il savait présent à tous ce distique fameux :

Ah ! Seigneur, donnez-moi la force et le courage
De contempler mon cœur et mon corps sans dégoût !

La vérité, c’est que Baudelaire ne se console pas d’avoir trop présumé de ses forces et de n’avoir pu soutenir jusqu’au bout le rôle héroïque de dandy qu’il s’était tracé ; mais il ne peut s’accommoder ni de la laideur, ni de la sottise. Il se sent mal à l’aise dans un monde terre à terre où « ses ailes de géant l’empêchent de marcher ».

Il n’osait à la fin de la journée procéder à son examen de conscience, sûr de n’y trouver que sujet d’amertume et de découragement.

Âmes de ceux que j’ai aimés, — s’écriait-il alors du fond de sa détresse, — âmes de ceux que j’ai chantés,