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ET LA RELIGION DU DANDYSME

Théophile Gautier, examinant son style, note justement que Baudelaire y mêle des fils de soie et d’or à des fils de chanvre rudes et forts. Il compare sa trame à « ces étoffes d’Orient à la fois splendides et grossières où les plus délicats ornements courent avec de charmants caprices sur un poil de chameau bourru ou sur une toile âpre au toucher ». Sous une forme courtoise et le désir d’être aimable, on sent l’importance de la critique. Les fils de soie et d’or, Baudelaire les tient de son génie. Les


    Ta gorge qui s’avance et qui pousse la moire,
    Ta gorge triomphante est une belle armoire…
    Et le meurtre, parmi tes plus chères breloques,
    Sur ton ventre orgueilleux danse amoureusement…
     Tes hanches sont amoureuses
     De ton dos et de tes seins… »

    Nos modernes, pervertis par l’abus des épices, seront peut-être tentés d’applaudir à ces incohérences comme à des trouvailles de pittoresque, mais que dire de ces incorrections ?

    « Mon gosier de métal parle toutes les langues…
    Et dans ses bras ouverts que remplissent tes seins. »

    Et de ces platitudes

      « Un air étrange
    Qui n’est pas celui d’un Ange…
      Notre France,
    Ce pays trop peuplé que fauche la souffrance… »

    Exceptions, soit ! mais qu’il était utile de sortir à l’appui de notre thèse. Ajoutons, toutefois, à sa louange, qu’on ne trouve chez Baudelaire aucune de ces étourderies :

    «… Saisit un pistolet qu’il étreignait encore »

    dont Hugo est coutumier.