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CHARLES BAUDELAIRE

du Mal étaient écrits. Dans les poèmes surajoutés il ne retrouvera plus la même intensité d’accent.

On peut dire que le Poète a donné toute sa mesure. Il a atteint son apogée.

Il restera un prosateur, d’ailleurs émérite, toujours en quête du mot juste, du tour expressif, et auquel la découverte d’Edgard Poe, en 1848, infusera une vertu nouvelle ; mais l’arbre est attaqué dans sa sève. Bientôt, le style se dessèche ; l’effort pénible se fait sentir. Les jours passent. La ruine se précipite. Le dandy n’est plus en possession de dessiner la coupe de ses vêtements. Il n’arbore plus de cravates choisies. De la luxuriante crinière ondulée de jadis, il ne garde qu’un vestige de mèches rares, de cheveux tondus ras. La bouche souriante va se crisper comme celle d’un supplicié qui serre les dents pour ne pas crier, sous l’effort du bourreau. Il ira, vêtu d’une blouse, d’un rude paletot-sac, chaussé de gros souliers, frileusement emmitouflé de cache-nez roturiers. En 1861, Loredan Larchey le verra s’engoncer d’un horrible boa de chenille (mais écarlate), un de ces boas, souligne-t-il, dont raffolaient les petites ouvrières. Il restera correct néanmoins sous sa défroque vulgaire et préoccupé jusqu’à la manie de soins de propreté corporelle[1]. Je glisse rapidement sur

  1. Vers la fin de sa vie, lorsque Nadar obtenait la permission