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ET LA RELIGION DU DANDYSME

miers jours de février 1842 et déjà Paris était tout autre[1].

La forme d’une ville
Change plus vite, hélas ! que le cœur d’un mortel.

L’idée de Napoléon Ier d’en faire la capitale des capitales, la ville des merveilles, était en train de se réaliser. Les événements facilitaient la tache des gouvernants et des édiles.

Le développement des chemins de fer y faisait affluer l’or. Les hautes glaces (invention nouvelle) des magasins illuminés succédant aux treillis vitrés

  1. Pour donner une idée du fantastique développement de Paris, il n’est peut-être pas inutile de noter que, pendant la courte absence de Baudelaire, oa avait percé les rues Moncey, Laurent de Jussieu, Geoffroy-Marie, du Centre ; achevé la galerie Richer, la cité du Waux-Hall ; refait le pont de la Cité ; restauré l’Hôtel de ville, l’Hôtel du Quai d’Orsay, le palais des thermes ; édifié les nouveaux bâtiments de l’École normale, ouvert le Théâtre italien, la Maison d’or, le café Riche ; aménagé la pépinière du Luxembourg ; multiplié les trottoirs et les réverbères ; inaugré, rue Vivienne, un premier essai de pavage en bois, que sais-je encore ? Mais la grande innovation du règne c’est le quartier Saint-Georges, surgi de terre comme par enchantement, et qui réalisait, avec son opulence de bazar, ses palais cosmopolites, la splendeur du médiocre. C’est du quartier Saint-Georges qu’est sortie la « lorette » (ainsi baptisée par Nestor Roqueplan et immortalisée par Gavarni) ; la lorette, spécialité du régime, qui mourra avec lui, pour faire place à la « biche » du second empire. La lorette correspondait au nouvel état des mœurs, à l’avènement d’un monde d’enrichis et de parvenus. Elle marquait une nuance de civilisation galante entre deux créations également récentes : la « grisette » du quartier latin et la « panthère » des boulevards.