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II


Ô douleur ! ils sont là, sous l’œil hargneux d’un cuistre,
Sale à faire grouiller la vermine alentour,
Crispés aux rougeoiements du pétrole sinistre,
Ces fronts qui n’étaient faits que pour luire au grand jour.

Ils sont là ! mastiquant un vieux levain de haine,
Plus aigris chaque année et s’effondrant plus las
Quand un zéphire ami leur apporte l’haleine
Des marronniers en fleurs et des premiers lilas.

Ils sont là ! redressés d’un bond de leur pupitre,
Et d’un besoin d’espace ébranlés jusqu’aux os,
Quant, au carré de ciel que découpe la vitre,
Passe en apothéose un sillage d’oiseaux.

Ô rage ! être enfermé quand l’herbe en pâquerettes
Éclate et que l’azur découvre son sein nu,
Et se sentir, à l’âge où l’aile aspire aux crêtes,
D’une règle de plomb à terre retenu.