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LES INTERNÉS[1]

Échappés pour la Mort des justes passions.
Arthur Rimbaud


I


Ces collèges, flanqués de verroux et de grilles,
Font si vilain visage en plein jour qu’on dirait
Un écho survivant des anciennes bastilles,
Et que l’âme en éprouve un malaise secret.

Leur porte rechignée aux clous de forteresse
Où se lit — ironie ! — au fronton : LIBERTÉ,
S’ouvre deux fois par jour en appétit d’ogresse
Sur l’élite des galopins de la cité.

  1. C’est sur les bancs de l’école, à l’époque déjà lointaine, où je venais de prendre révélation de Rimbaud par des copies manuscrites de son œuvre encore inédite, communiquées par Bauville et Charles Cros, que je conçus l’idée de ce poème et d’écrire à sa manière, par pure gageure et folle présomption de jeunesse. Une première version en parut, sous mon nom, dans Lutèce (1884) où je l’avais laissée dormir à cause de ses inexpériences de forme, et où je la retrouvai, ces temps derniers, en compulsant la collection de ce journal pour rafraichir mes souvenirs sur la Mêlée-Symboliste. À la relire, je crus y démêler les éléments d’un pastiche que je m’étudiai à mener à bonne fin et que la Muse française consentit à insérer par jeu (mars 1923) comme un fragment authentique de l’œuvre dispersée du génial illuminé. Et puisque le souci de la vérité m’oblige à reprendre ce poème d’outrances accumulées pour concourir à l’illusion, tout en m’excusant de n’avoir pu les faire disparaître toutes.