Page:Raynaud - À l’ombre de mes dieux, 1924.djvu/74

Cette page a été validée par deux contributeurs.

 

Partout la vie éclate et la sève fermente,
L’Aïeul rêve immobile au seuil de sa maison,
Quelle obscure pensée en secret le tourmente ?
Sent-il dans la soirée aux longues pâmoisons,
Tout ce qui naît d’ivresse et d’extase fervente
Au monde, et ce qui s’en délivre de frissons ?

Il appuie à ses mains sa tête appesantie,
Lui, qui ne sait plus rien des choses de l’azur,
Lui, qui ne peut plus lire, en reflets sur le mur,
Le message sacré, l’hymne éclatant de vie,
Que du haut Empyrée éblouissant et pur,
Un dieu jette en passant à la terre éblouie.

Est-ce la douleur d’être abandonné des siens
Qui le ronge ou l’ennui pesant des heures vides ?
Trouble-fête, exilé des clos musiciens
Et des banquets où siège en roi l’effroi des rides,
Des rides relentant déjà le Styx fétide
Et le goût que l’humus donne aux os qu’il détient ?

Est-ce le noir regret qui le crispe, farouche,
De sa force virile et de ses yeux vivants,
De ses nuits de folie aux spasmes énervants,