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Il rêve sous le toit léger des frondaisons,
Mais sans voir quelle fête à l’occident s’allume,
Ni quel reflet de joie en dore les pignons.

Rien ne l’émeut du ciel plein d’ailes vagabondes,
Ni du beau crépuscule illuminé de feux,
Ni du feuillage où l’or se joue en clartés blondes,
Car ses yeux, jadis rois de l’espace, ses yeux
Qui dévoraient d’un bond l’immensité des mondes,
Ont dit à la lumière un éternel adieu.

C’est l’heure énamourée où toute la nature
Sous le baiser du soir vibre et se transfigure,
Le bruit des violons traverse le verger,
L’aïeul veille sans voir, immobile et figé,
Fondre en apothéose et décroître à mesure
La lumière au versant des coteaux étagés.

La musique du bal voltige et, par bouffées,
Lui vient sans l’éveiller de sa lourde torpeur,
Peut-être qu’il épie aux cendres de son cœur
Si ne va pas renaître une flamme étouffée,
Par un exploit renouvelé du temps d’Orphée
Qui redressait les morts de son archet vainqueur.