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L’AVEUGLE


 
Assis sur une pierre au seuil de sa maison
L’Aïeul, abandonné des enfants pour la danse,
Avec sa barbe en fleuve et couleur de glaçon
Et ses deux yeux d’aveugle obstrués de poix dense,
Face immobile veille et médite en silence
Tandis que le soleil décline à l’horizon.

La rumeur de la grange et des fermes s’est tue
Mais dans l’air un écho joyeux sonne du bal
Qu’au loin mène sur l’herbe un orchestre rural,
Et l’Aïeul, dans son clos, ceint d’ombre verte et drue,
Semble sceller la paix du soir dominical
De son geste immobile et muet de statue.

Tel, il médite assis parmi l’exhalaison
De miel qu’ont les tilleuls ; tel, dans le soir, où fume
L’étang de la prairie en écharpes de brume,