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En banlieue, où la nuit plus librement pétille,
Souvent ma rêverie a surpris sous les grilles,
Vos mystères, gardiens des vieux logis fermés.

Arbres chers, quand la lune argente le village,
À l’heure où le silence installé règne au loin
Et qu’un reflet glacé vous prête le visage
De veilleurs, dans la plaine, armés, la lance au poing,
Mon oreille attentive entend votre langage
Et ma mélancolie à la vôtre se joint.

Votre vertu s’emploie à n’offenser personne,
Sensible et résigné, j’écoute vos raisons ;
Votre gent libérale à qui passe abandonne
Vos sucs, vos fleurs, vos fruits, vos parfums, vos tisons,
Et les joyaux mêlés de votre ample couronne,
Tour à tour, selon l’ordre arrêté des saisons.

Vos rameaux repliés, confidents de la terre,
Savent le mot que cherche en vain l’homme impuissant.
J’y vois paraître au jour un peu du noir mystère.
Tant de sérénité pacifique en descend
Que la détresse humaine y prend lieu de se taire,
Et que s’éteint l’orage allumé dans mon sang.