Page:Raynaud - À l’ombre de mes dieux, 1924.djvu/37

Cette page a été validée par deux contributeurs.


Le cri des camelots, la chaussée et sa charge
Trépidante d’autos, de chevaux, de timons,
S’engouffrant jusqu’à toi, comme un souffle du large,
Te cinglent l’âme et te dilatent les poumons.

Tout semble correspondre à tes moindres caprices ;
Les cafés te font signe et disent « Viens t’asseoir ! »
Et tu regardes luire, au pied des édifices,
La foule convoquée à la fête du soir.

Les magasins, avec leur coupole de rêve,
Allongent leur richesse au niveau de ta main,
Et tu reçois des yeux, dans leur rencontre brève,
Une étincelle où tient tout le bonheur humain.

Mais tandis que je glisse à ta suite, docile,
Sur une mer unie, ébloui de splendeur,
Je songe que ton règne éphémère est fragile,
Et qu’il faudra te suivre aussi dans la douleur ;

Je songe au jour marqué que nul ne peut remettre,
Où les dieux de la joie exigent la rançon,
Où l’ombre fatidique aveuglant ta fenêtre,
Ton palais dévasté deviendra ma prison ;