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venimeuſes, aucune ne le fut autant que l’Amérique méridionale. Elle devoit cette fécondité malheureuſe à ſon territoire généralement fétide, comme s’il s’épuroit du limon d’un déluge.

C’étoient des lianes, fort multipliées dans les lieux humides & marécageux, qui fourniſſoient au continent le poiſon qui étoit d’un uſage univerſel. On les coupoit en morceaux qu’on faiſoit bouillir dans l’eau, juſqu’à ce que la décoction eût acquis la conſiſtance d’un ſyrop. Alors on y plongeoit des flèches qui s’imprégnoient d’un ſuc mortel. Pendant pluſieurs ſiècles ce fut avec ces armes que les ſauvages ſe firent généralement la guerre. Dans la ſuite pluſieurs de ces foibles nations ſentirent la néceſſité de renoncer à un moyen ſi deſtructeur, & le réſervèrent contre les bêtes, grandes & petites, qu’on ne pouvoit atteindre ou vaincre. Tout animal, dont la peau a été effleurée d’une de ces flèches empoiſonnées, meurt une minute après, ſans aucun ſigne de convulſion ni de douleur. Ce n’eſt pas parce que ſon ſang eſt figé, comme on l’a cru long-tems. Des expériences récentes ont