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de mes facultés ? Qu’eſt-ce que l’exiſtence pour celui qui n’en a pas la propriété ? Je ne puis tuer mon eſclave : mais je puis faire couler ſon ſang goutte à goutte ſous le fouet d’un bourreau ; je puis l’accabler de douleurs, de travaux, de privations ; je puis attaquer de toutes parts & miner ſourdement les principes & les reſſorts de ſa vie ; je puis étouffer par des ſupplices lents le germe malheureux qu’une négreſſe porte dans ſon ſein. On diroit que les loix ne protègent l’eſclave contre une mort prompte, que pour laiſſer à ma cruauté le droit de le faire mourir tous les jours. Dans la vérité, le droit d’eſclavage eſt celui de commettre toutes ſortes de crimes. Ceux qui attaquent la propriété ; vous ne laiſſez pas à votre eſclave celle de ſa perſonne : ceux qui détruiſent la sûreté ; vous pouvez, l’immoler à vos caprices : ceux qui font frémir la pudeur…… Tout mon ſang ſe ſoulève à ces images horribles. Je hais, je fuis l’eſpèce humaine, composée de victimes & de bourreaux ; & ſi elle ne doit pas devenir meilleure, puiſſe-t-elle s’anéantir !

Mais les nègres font une eſpèce d’hommes