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contre un homme libre. Ils étoient aſſervis à un habillement particulier ; & cette diſtinction humiliante leur rappelloit à chaque moment l’opprobre de leur exiſtence. Pour comble d’infortune, l’eſprit du ſyſtême féodal contrarioit l’affranchiſſement de cette eſpèce d’hommes. Un maître généreux pouvoit, à la vérité, quand il le vouloit, briſer les fers de ſes eſclaves domeſtiques : mais il falloit des formalités ſans nombre pour changer la condition des ſerfs attachés à la glèbe. Suivant une maxime généralement établie, un vaſſal ne pouvoit pas diminuer la valeur d’un fief qu’il avoit reçu ; & c’étoit la diminuer que de lui ôter ſes cultivateurs. Cet obſtacle devoit ralentir, mais ne pouvoit pas empêcher entièrement la révolution : & voici pourquoi.

Les Germains & les autres conquérans s’étoient approprié d’immenſes domaines, à l’époque de leur invaſion. La nature de ces biens ne permit pas de les démembrer. Dès-lors le propriétaire ne pouvoit pas retenir ſous ſes yeux tous ſes eſclaves ; & il fut forcé de les diſperſer ſur le ſol qu’ils devoient défricher. Leur éloignement em-