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Eſpagnols, de ces peuples qui n’eurent jamais, à la vérité, ni la délicateſſe du goût, ni la ſenſibilité, ni la grâce, qui furent le partage des Grecs : mais que la nature dédommagea de ces dons par une fierté de caractère, une élévation d’âme, une imagination auſſi féconde & plus ardente qu’elle ne l’avoit accordée à aucune autre nation.

Les Grecs ne firent point un pas au-de-dans, au-dehors de leur étroite contrée, ſans rencontrer le merveilleux. Ils virent ſur le Pinde Apollon entouré des neuf muſes. Ils entendirent les antres de Lemnos retentir des marteaux des Cyclopes. Ils attachèrent Prométhée ſur le Caucaſe. Ils écrasèrent les géans ſous le poids des montagnes. Si l’Etna mugit & vomit des torrens de flamme, c’eſt Typhée qui ſoulève ſa poitrine. Leurs campagnes & leurs forêts furent peuplées de ſatyres & de faunes ; il n’y eut aucun de leurs poètes qui n’eût aſſiſté à leurs danſes ; & une nature toute nouvelle reſte muette ſous les regards de l’Eſpagnol. Il n’eſt frappé, ni de la ſingularité des ſites, ni de la variété des plantes & des animaux, ni des mœurs ſi pittoreſques d’une race d’hommes inconnue