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que le dernier des ſoldats, il ne ſavoit pas lire. Ces cauſes, peut-être encore plus que des raiſons politiques, firent décider la mort de l’empereur. On oſa lui faire ſon procès dans les formes, & cette comédie atroce eut les ſuites horribles qu’elle devoit avoir.

Après cet aſſaſſinat juridique, les meurtriers parcoururent le Pérou avec cette ſoif de ſang & de rapine qui dirigeoit toutes leurs actions. Vraiſemblablement, ils ſe ſeroient trouvés, ſans tirer l’épée, les maîtres de ce vaſte empire, s’ils avoient montré de la modération, de l’humanité. Une nation naturellement douce, depuis long-tems accoutumée à la plus aveugle ſoumiſſion, conſtamment fidèle aux maîtres qu’il avoit plu au ciel de lui envoyer, étonnée du terrible ſpectacle qui venoit de frapper ſes yeux : cette nation auroit ſubi le joug ſans trop murmurer. L’expoliation de ſes maiſons & de ſes temples ; les outrages faits à ſes femmes & à ſes filles ; des cruautés de tous les genres qui ſe ſuccédoient ſans interruption : tant d’infortunes diſposèrent les peuples à la vengeance ; & il ſe préſenta des chefs pour conduire ce reſſentiment.