Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v4.djvu/135

Cette page n’a pas encore été corrigée

Cette femme écouta le miſſionnaire ſans s’émouvoir. Quand il eut fini, elle lui demanda la permiſſion de lui répondre ; ce qu’elle fit en ces termes :

« Plût à Dieu, père, plût à Dieu, qu’au moment où ma mère me mit au monde, elle eût eu aſſez d’amour & de compaſſion pour épargner à ſon enfant tout ce que j’ai enduré, tout ce que j’endurerai juſqu’à la fin de mes jours. Si ma mère m’eût étouffée lorſque je naquis, je ſerois morte, mais je n’aurois pas ſenti la mort, & j’aurois échappé à la plus malheureuſe des conditions. Combien j’ai ſouffert, & qui ſait ce qui me reſte à ſouffrir !

« Repréſente-toi, père, les peines qui ſont réſervées à une Indienne parmi ces Indiens. Ils nous accompagnent dans les champs avec leur arc & leurs flèches : nous y allons, nous, chargées d’un enfant que nous portons dans une corbeille, & d’un autre qui pend à nos mamelles. Ils vont tuer un oiſeau ou prendre un poiſſon : nous bêchons la terre, nous ; & après avoir ſupporté toute la fatigue de la culture, nous ſupportons toute celle de la moiſſon. Ils