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dont il avoit épuiſe nos veines. Vous ne le croyez pas ».

Souverains, ſi vous êtes bons, la ſtatue que vous vous élevez à vous-même, vous eſt aſſurée. La nation, dont vous aurez fait la félicité, vous l’accordera, cent ans après votre mort, lorſque l’hiſtoire vous aura jugé. Si vous êtes méchans & vicieux, vous n’éterniſez que votre méchanceté & vos vices.

Le monarque, qui aura quelque dignité, attendra. Celui qui auroit l’âme vraiment grande, dédaigneroit peut-être une ſorte d’encens prodiguée, dans tous les ſiècles, au vice indiſtinctement & à la vertu. Au moment où l’on graveroit autour de ſa ſtatue : À TRÈS-GRAND, TRÈS-BON, TRÈS-PUISSANT, TRÈS-GLORIEUX, TRÈS-MAGNIFIQUE prince un tel, il ſe rappelleroit que les mêmes titres furent gravés ſous un Tibère, un Domitien, un Caligula ; & il s’écrieroit avec un digne Romain ; « Épargnez-moi un hommage trop ſuſpect. Loin de moi des honneurs flétris. Mon temple eſt dans vos cœurs. C’eſt-là que mon image eſt belle & qu’elle durera ».

En effet, quelle que ſoit la ſolidité que ſon donne aux monumens, un peu plutôt