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vous avez légitimement intentée contre lui, à le ſuivre par-tout, & à s’y ſaiſir d’une portion de ſon lucre, fixée par quelque ſage loi. Mais il s’expatriera ? Et que vous importe qu’il ſoit en Angleterre ou au Petit-Châtelet ? en ſerez-vous moins déchu de votre créance ? Si les nations ſe concertoient entre elles, le malfaiteur ne trouveroit d’aſyle nulle part. Si vous étendez un peu vos vues, vous concevrez que le débiteur, qui vous échappe par la fuite, ne peut faire fortune chez l’étranger ſans s’acquitter d’une portion de ſa dette, par les beſoins & par les échanges réciproques des nations. C’eſt des vins de France qu’il s’enivrera à Londres ; c’eſt des ſoies de Lyon que ſa femme ſe vêtira à Cadix & à Liſbonne. Mais ces ſpéculations ſont trop abſtraites & trop patriotiques pour un créancier cruel qui, tourmenté de ſon avarice & de ſa vengeance, aime mieux tenir ſon malheureux débiteur dans les fers, couché ſur de la paille, & l’y nourrir de pain & d’eau, que de le rendre à la liberté. Elles n’auroient pas dû échapper aux gouvernemens & aux légiſlateurs ; & c’eſt à eux qu’il faut s’en prendre des barbares abſurdités qui exiſtent