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Histoire philosophique

des délits aſſez frivoles. Il n’y a pas d’apparence que des nations, où l’on condamne à la mort une jeune fille de dix-huit ans, qui pourroit être mère de cinq ou ſix enfans, un homme ſain & vigoureux, de trente ans, pour le vol d’une pièce d’argent, aient médité ſur ces tables de la probabilité de la vie humaine, qu’ils ont ſi ſavamment calculées ; puiſqu’elles ignorent combien la cruauté de la nature immole d’individus, avant que d’en amener un à cet âge. On répare, ſans s’en douter, un petit dommage fait à la ſociété par un plus grand. Par la sévérité du châtiment, on pouſſe le coupable du vol à l’aſſaſſinat. Quoi donc ! eſt-ce que la main qui a brisé la ferrure d’un coffre-fort, ou même enfoncé un poignard dans le ſein d’un citoyen, n’eſt plus bonne qu’à être coupée ? Quoi donc ! parce qu’un débiteur infidèle ou indigent n’eſt pas en état de s’acquitter, faut-il le réduire à l’inutilité pour la ſociété, à l’inſolvabilité pour vous, en le renfermant dans une priſon ? Ne conviendroit-il pas mieux à l’intérêt public & au vôtre, qu’il fit quelque uſage de ſon induſtrie & de ſes talens, ſauf à l’action que