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Si l’on peut s’en rapporter à l’autorité d’un des hommes le plus profondément versés dans les traditions de l’Inde, Ranguildas fut longtems le témoin de la puiſſance du nouveau ſouverain. Il s’applaudiſſoit de ſon ouvrage. Le ſouvenir de ce qu’il avoit fait pour placer ſur le trône le fils de ſon maître, rempliſſoit ſon âme d’une ſatiſfaction vraie & ſans trouble. Un jour qu’il faiſoit ſa prière dans le temple, il entendit à côté de lui un Banian qui s’écrioit : « ô Dieu ! tu vois les malheurs de mes frères. Nous ſommes la proie d’un jeune homme qui nous regarde comme un bien qu’il peut diſſiper & conſumer à ſon gré. Parmi les nombreux enfans qui t’implorent dans ces vaſtes contrées, un ſeul les opprime tous ; venge-nous du tyran ; venges-nous des traîtres qui l’ont porté ſur le trône, ſans examiner s’il étoit juſte ».

Ranguildas étonné, s’approcha du Banian, & lui dit : « ô toi qui maudis ma vieilleſſe, écoute. Si je ſuis coupable, c’eſt ma conſcience qui m’a trompé. Lorſque j’ai rendu l’héritage au fils de mon ſouverain, lorſque j’ai expoſé ma fortune & ma vie pour établir ſon pouvoir, Dieu m’eſt témoin