Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v2.djvu/362

Cette page n’a pas encore été corrigée
348
Histoire philosophique

Sous prétexte de les bien nourrir, leurs conducteurs les font entrer dans les terres & dans les jardins pour les dévaſter, à moins qu’on ne ſe rédime de cette vexation par des préſens continuels. Perſonne n’oſeroit fermer ſon champ aux éléphans du roi, dont pluſieurs ſont décorés de titres honorables & élevés aux premières dignités de l’état.

Ces horreurs nous révoltent : mais avons-nous le droit de ne pas y ajouter foi, nous qui nous vantons de quelque philoſophie & d’un gouvernement plus doux, & qui cependant vivons dans un empire, où le malheureux habitant de la campagne eſt jeté dans les fers s’il oſe faucher ſon pré ou traverſer ſon champ pendant l’appariade ou la ponte des perdrix ; où il eſt obligé de laiſſer ronger le bois de ſa vigne par des lapins & ravager ſa moiſſon par des biches, des cerfs, des ſangliers ; & où la loi l’enverroit aux galères, s’il avoit eu la témérité de frapper du fouet ou du bâton un de ces animaux voraces ?

Tant d’eſpèces de tyrannie font que les Siamois déteſtent leur patrie, quoiqu’ils la regardent comme le meilleur pays de la terre. La plupart ſe dérobent à l’oppreſſion en