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leurs regards, en formant autour de leurs yeux un cercle noir, qu’elles tracent avec une aiguille de tête teinte d’une poudre d’antimoine. Cette beauté d’emprunt, relevée par tous les poëtes Orientaux, après avoir paru bizarre aux Européens, qui n’y étoient pas accoutumés, a fini par leur être agréable.

Cet art de plaire eſt toute la vie, toute l’occupation, tout le bonheur des balliadères. On réſiſte difficilement à leur séduction. Elles obtiennent même la préférence ſur ces belles Cachemiriennes, qui rempliſſent les sérails de l’Indoſtan, comme les Géorgiennes & les Circaſſiennes peuplent ceux d’Iſpahan & de Conſtantinople. La modeſtie, ou plutôt la réſerve naturelle à de ſuperbes eſclaves séqueſtrées de la ſociété des hommes, ne peut balancer les preſtiges de ces courtiſanes exercées.

X. Étendue du commerce de Surate. Révolutions qu’il a éprouvées.

Nulle part elles n’étoient à la mode comme à Surate, la ville la plus riche, la plus peuplée de l’Inde. Elle commença à décheoir en 1664. Le fameux Sevagi la ſaccagea, & en emporta vingt-cinq à trente millions. Le pillage eût été infiniment plus conſidérable, ſi les Anglois & les Hollandois n’avoient