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Histoire philosophique

à Calcutta, pour ſe ſouſtraire aux peines que ſes infidélités avoient méritées. Il fut accueilli. Le ſouba offensé, comme il devoit l’être, ſe mit à la tête de ſon armée, attaqua la place, & s’en empara. Il fit jetter la garniſon dans un cachot étroit, ou elle fut étouffée en douze heures. Il n’en reſta que vingt-trois hommes. Ces malheureux offrirent de grandes ſommes à la garde qui étoit à la porte de leur priſon, pour qu’on fit avertir le prince de leur ſituation. Leurs cris, leurs gémiſſemens l’apprenoient au peuple qui en étoit touché y mais perſonne ne vouloit aller parler au deſpote. Il dort, diſoit-on aux Anglois mourans ; & il n’y avoit pas peut-être un ſeul homme dans le Bengale qui pensât que, pour ſauver la vie à cent cinquante infortunés, il fallût ôter un moment de ſommeil au tyran.

Qu’eſt-ce donc qu’un tyran ? ou plutôt qu’eſt-ce qu’un peuple accoutumé au joug de la tyrannie ? Eſt-ce le reſpect, eſt-ce la crainte qui le tient courbé ? Si c’eſt la crainte, le tyran eſt donc plus redoutable que les dieux, à qui l’homme adreſſe ſa prière ou ſa plainte dans les tems de la nuit ou dans les