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quelque ehoſe de plus que le déſir de changer les dénominations, d’être appelée monarque au lieu d’autocratice, d’appeler ſes peuples ſujets au lieu d’eſclaves ? Les Ruſſes, tout aveugles qu’ils ſont, prendront-ils longtems le nom pour la choſe, & leur caractère ſera-t-il élevé par cette comédie à cette grande énergie qu’on s’étoit proposé de lui donner ?

Un ſouverain, quel que ſoit ſon génie, fait ſeul rarement des changemens de quelque importance, & plus rarement encore leur donne-t-il de la ſtabilité. Il lui faut des ſecours, & la Ruſſie n’en offre que pour les combats. Le ſoldat y eſt dur, ſobre, infatigable. L’eſclavage qui lui a inſpiré le mépris de la vie, s’eſt réuni à la ſuperſtition qui lui a inſpiré le mépris de la mort. Il eſt perſuadé que quelques forfaits qu’il ait commis, ſon âme s’élèvera au ciel, d’un champ de bataille. Mais les gens de guerre, s’ils défendent des provinces, ne les civiliſent pas. On cherche autour de Catherine des hommes d’état, & l’on n’en trouve point. Ce qu’elle a fait ſeule peut étonner ; mais quand elle ne ſera plus, qui la remplacera ?