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le mot d’un de ces préposés indiſcrets, qui révéla ce qui ſe paſſoit au fond de l’âme de tous les autres : Dieu eſt bien haut ; l’empereur eſt bien loin ; & je ſuis le maître ici.

L’empire ſe trouvant partagé en deux claſſes d’hommes, celle des maîtres & celle des eſclaves, comment rapprocher des intérêts ſi opposés ? Jamais les tyrans ne conſentiront librement à l’extinction de la ſervitude, & pour les amener à cet ordre de choſes, il faudra les ruiner ou les exterminer. Mais cet obſtacle ſurmonté, comment élever de l’abrutiſſement de l’eſclavage au ſentiment & à la dignité de la liberté, des peuples qui y ſont tellement étrangers, qu’ils deviennent impotens ou féroces, quand on briſe leurs fers. Ces difficultés donneront, ſans doute, l’idée de créer un tiers-état : mais par quels moyens ? Ces moyens fuſſent-ils trouvés ; combien il faudroit de ſiècles pour en obtenir un effet ſenſible !

En attendant la formation de ce tiers-état, qu’on pourroit accélérer peut-être par des colons appelés des contrées libres de l’Europe, il faudroit une sûreté entière pour les perſonnes & les propriétés. Or ſe trouve--