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de la divinité, il les regarde avec mépris & il ne tarde pas à les briſer. Si l’apothéoſe des tyrans de Rome n’eût pas été une momerie, Tibère n’eut pas été étouffé, les meurtres commis par Néron n’auroient pas été vengés. L’oppreſſion autorisée par le ciel inſpire un tel mépris pour la vie, que l’eſclave va juſqu’à tirer vanité de ſa propre baſſeſſe. Il eſt fier d’être devenu aux yeux de ſon maître un être aſſez important, pour qu’on ne dédaigne pas de le faire mourir. Quelle différence de l’homme à l’homme ! le Romain ſe tuera dans la crainte de devoir la vie à ſon égal ; le Muſulman ſe glorifiera d’un arrêt de mort prononcé par ſon maître. L’imagination qui meſure la diſtance de la terre au firmament ne meſure pas celle-ci. Mais ce qui achève de la confondre, c’eſt que l’aſſaſſinat d’un deſpote auſſi profondément révéré, loin d’exciter l’horreur, ne fait pas la moindre ſenſation. Celui qui lui auroit, il n’y a qu’un moment, préſenté ſa tête avec joie, regarde froidement la ſienne abattue par le cimeterre. Il ſemble vous dire par ſon indifférence : que m’importe que ce