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par des loix pénibles à concevoir, à diſcuter, à conſerver. Si leur tyran pouſſe trop loin les vexations & les cruautés, on demande la tête du vizir, on fait tomber celle du deſpote, & tout eſt à ſa place. Cette remontrance, qui devroit être le privilège de la nation entière, n’eſt que celle des janiſſaires. Les hommes même les plus puiſſans de l’empire, n’ont pas la première idée du droit des nations. Comme en Turquie la sûreté perſonnelle eſt le partage d’un état abject, les familles principales tirent vanité du danger qui les menace de la part du gouvernement. Un pacha vous dira qu’un homme comme lui n’eſt pas fait pour terminer paiſiblement ſa carrière dans un lit, comme un homme obſcur. On voit ſouvent des veuves ſe glorifier de ce que leurs maris, qu’on vient d’étrangler, leur ont été enlevés par un genre de mort convenable.

C’eſt à ce point d’extravagance que l’homme eſt amené, lorſque la tyrannie eſt conſacrée par des idées religieuſes ; & il faut que tôt ou tard elle le ſoit. Quand l’homme ceſſe de s’honorer de ſes chaînes aux yeux