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la nature châtie les vices. La loi montre le gibet à l’aſſaſſin ; la nature montre, ou l’hydropiſie ou la phthiſie à l’intempérant.

Beaucoup d’écrivains ont cherché les premiers principes de la morale dans les ſentimens d’amitié, de tendreſſe, de compaſſion, d’honneur, de bienfaiſance, parce qu’ils les trouvoient gravés dans le cœur humain. Mais n’y trouvoient-ils pas auſſi la haine, la jalouſie, la vengeance, l’orgueil, l’amour de la domination ? Pourquoi donc ont-ils plutôt fondé la morale ſur les premiers ſentimens que ſur les derniers ? C’eft qu’ils ont compris que les uns tournoient au profit commun de la ſociété, & que les autres lui ſeroient funeſtes. Ces philoſophes ont ſenti la néceſſité de la morale, ils ont entrevu ce qu’elle devoit être : mais ils n’en ont pas ſaiſi le premier principe, le principe fondamental. En effet, les mêmes ſentimens qu’ils adoptent pour fondement de la morale, parce qu’ils leur paroiſſent utiles au bien général, abandonnés à eux-mêmes, pourroient être très-nuiſibles. Comment ſe déterminer à punir le coupable, ſi l’on n’écoutoit que la compaſſion ? Comment fe défendre des partialités, ſi l’on ne