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ſes vils artifices, il précipite les provinces au dernier terme de dégradation, mais ſes coffres regorgent de richeſſes. Alors, on lui vend au plus vil prix les loix, les mœurs, l’honneur, le peu qui reſte de ſang à la nation. Ce traitant jouit ſans honte & ſans remords de ces infâmes & criminels avantages juſqu’à ce qu’il ait détruit l’état, le prince & lui-même.

Les peuples libres n’ont que rarement éprouvé ce ſort affreux. Des principes humains & réfléchis leur ont fait préférer une régie preſque toujours paternelle pour recevoir les contributions du citoyen. C’eſt dans les gouvernemens abſolus que l’uſage tyrannique des fermes s’eſt concentré. Quelquefois l’autorité a été effrayée des ravages qu’elles faiſoient : mais des adminiſtrateurs timides, ignorans ou pareſſeux ont craint, dans la confuſion où étoient les affaires, un bouleverſement entier au moindre changement qu’on ſe permettroit. Pourquoi donc le tems de la maladie ne ſeroit-il pas celui du remède ? C’eſt alors que les eſprits ſont mieux diſposés, que les contradictions ſont moindres, que la révolution eſt plus aisée.