Page:Raymond Vuigner - Comment exploiter un domaine agricole.djvu/590

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’industrie recherchent des salaires plus élevés, le client doit aider le producteur.

Des chiffres que j’ai cités au cours du présent ouvrage, chiffres que j’ai depuis entendu confirmer par plusieurs agriculteurs appartenant à la grande, à la moyenne ou à la petite culture, résulte que le lait vendu à 0 fr. 20 le litre couvre les frais de son obtention sans guère laisser de bénéfice ; à 0 fr. 15 le petit cultivateur, qui réduit sa main-d’œuvre en travaillant lui-même, joint sans doute encore les deux bouts, mais ce sont des minimums qui s’entendent pour une année normale. Quand une sécheresse survient, semblable à celle de 1911, dès le commencement d’août, l’agriculteur n’a plus d’herbe dans ses prés, et il faut qu’il entame ses provisions d’hiver, réduites le plus souvent aux produits de la première coupe des fourrages ; l’alimentation au foin sec, à une époque où les animaux sont habitués au régime du vert, fait tomber les rendements en lait, et ceux-ci ne se relèvent pas à l’automne, puisque, vu la persistance de la sécheresse, il est impossible de semer des plantes (navets, moutarde blanche) qui interviendraient favorablement à l’arrière-saison. À cette arrière-saison, c’est encore aux réserves de foin et de pailles qu’il faut puiser ; il n’y a pas de betteraves fourragères, celles-ci, aussi bien que les betteraves à sucre qui ne donnent qu’une quantité de pulpes dérisoire, sont à peu près dépourvues de fanes ; et comme la fièvre aphteuse règne presque partout, les raisons ne manquent pas pour que le lait, très rare, coûte très cher à produire. Un agriculteur que je voyais dernièrement, tenant compte de la valeur des réserves qu’il avait dû entamer et de la diminution du rendement en lait de ses vaches, me disait que pour obtenir de sa vacherie le même produit brut que l’an dernier, il lui faudrait majorer d’au moins 20 centimes le prix du litre de lait qu’il livrait actuellement au laitier. Admettons que partout les choses n’aillent pas aussi mal et arrêtons-nous seulement au coût du litre de lait produit, sans faire passer sur lui la perte provenant de la baisse des rendements ; je crois qu’en toute justice, pendant la durée de la crise qui frappe le cultivateur du fait de la sécheresse, il devrait lui être payé 5 pour son lait un supplément d’au moins 0 fr. 10 par litre.