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l’engrais que deux vachers soignent de vaches et, si à ces deux vachers s’ajoute tout ou partie du temps d’une personne employée à la laiterie et d’une autre occupée autour des porcs, il n’est pas exagéré de dire que, pour s’adonner à l’engraissement, il faut un homme là où il en faut deux et demi ou trois avec l’exploitation d’une vacherie doublée d’une porcherie.

D’autre part, les opérations d’engraissement sont limitées à trois ou quatre mois au plus, tandis que le soin des laiteries ne comporte pas d’arrêt et oblige à d’incessants calculs pour avoir, aux époques convenables, le lait nécessaire. Un agriculteur qui a fait cette comparaison abandonne donc la vacherie dont il ne voit que les inconvénients, pour se tourner vers l’engraissement, dont il ne voit que les avantages. Ce calcul n’est pas étranger au mal qui nous atteint et qui, je regrette d’avoir à le dire, menace de nous frapper encore davantage.

Une des premières conséquences de la diminution du nombre des vacheries (et j’ai cité des régions où cette diminution était très sensible) est que la quantité de lait mise sur le marché va en s’amoindrissant ; quand la demande deviendra supérieure aux disponiblités, les prix ne pourront faire autrement que de monter ; ce sera très fâcheux pour le consommateur. Mais, dira-t-on, le producteur qui vend actuellement son lait très bon marché se réjouira du relèvement des prix ; malheureusement ce producteur n’est pas seul et, sans parler du client qui ne doit pas nous laisser indifférents, il a à côté de lui des collègues cultivateurs qui, pratiquant l’engraissement, ont besoin de jeunes animaux pour les mettre à l’auge. Ces jeunes animaux où les trouvera-t-on le jour où le nombre des mères qui leur donnent naissance sera tombé trop bas ? Est-on bien sûr que nous n’en soyons pas déjà là, et qu’une des causes pour lesquelles la viande est si chère n’est pas précisément la pénurie relative des animaux susceptibles de tomber à l’abattoir ? C’est une question à méditer très sérieusement.

Pas plus qu’un autre industriel, l’agriculteur ne peut travailler à perte, mais il ne faut pas que, séduit par un beau bénéfice donné par une entreprise déterminée, il tarisse la source même de ce bénéfice en voulant se l’assurer trop complet et en se leurrant des chiffres donnés par les statistiques.