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l’animal de trait, s’il vient à être vendu comme tel au lieu d’être conduit jusqu’à l’abattoir par le cultivateur qui l’a utilisé comme moteur, obtient au kilogramme vif un prix de un franc et quelquefois même davantage, prix qu’en général il est loin de retrouver auprès du boucher qui l’achète gras. Ce genre de spéculation est souvent si avantageux que de petits fermiers s’y adonnent exclusivement : ils attraitent les bouvillons de quinze à dix-huit mois et les revendent, un an ou deux après, à des agriculteurs à la tête d’exploitations plus importantes ; ceux-ci, à leur tour, dirigent leurs bœufs de cinq ans, c’est-à -dire dans la plénitude de leur force, sur lessucreries ou sur les domaines à cultures industrielles qui ont besoin, pour leurs charrois ou leurs labours, de moteurs puissants. On peut dire que le cultivateur qui travaille ainsi sa terre avec des bœufs en période de croissance a pour rien son travail et une partie du fumier : il y a donc là une spéculation à suivre de près et plus intéressante encore que la production exclusive de la viande ; je devais de toute manière en parler ici, puisqu’elle est comme le prélude de l’engraissement proprement dit qui la complète.

L’engraissement des bœufs en Charente.

— Dans la région du Centre, certains métayers conduisent l’opération jusqu’au bout : ils mettent à l’auge dans les Charentes, vers trois ans ou trois ans et demi, des bœufs qui depuis l’âge de quinze mois ont moyennement travaillé mais ont toujours été maintenus en bon état. Ces métayers tirent de la Saintonge leurs animaux de race limousine et ils prennent leurs dispositions pour les envoyer gras sur Paris à partir de novembre, époque où cessent les arrivages de bœufs d’herbe. Leur art consiste à obtenir de la viande persillée de qualité supérieure où la graisse pénètre pour ainsi dire entre les fibres musculaires au lieu de s’étaler en couche épaisse à leur surface. Pour atteindre ce résultat, les métayers charentais ont renoncé aux tourteaux : ils donnent en deux repas, l’un à sept heures du matin, l’autre à quatre heures du soir : 50 litres ou 32kg,500 de topinambours, 3 kilogrammes de son, 1 kilogramme de farine de maïs ou d’orge et 4 à 5 kilogrammes de foin de prairies naturelles ou artifi. cielles présenté de la façon la plus engageante aux animaux