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l’île des femmes

pointe extrême de l’île, cependant si belle dans le clair-obscur du point du jour.

Tout en ramant, le chevalier sentit que ses pieds reposaient sur une étoffe très douce. C’était un grand manteau couleur orange, dans le genre des burnous des Arabes. Le jeune Marseillais estima, d’après la suavité de son parfum, que ce vêtement devait appartenir à une femme. Il regretta presque, alors, de s’être emparé si prestement de l’embarcation appartenant, sans doute, à quelque jolie habitante de ces rives. Mais il fallait se sauver. Il ne lui était pas loisible d’avoir des scrupules. Sûrement, la personne qu’il obligerait peut-être à se morfondre sur l’autre bord ne se trouvait pas en danger comme lui. Et puis, après tout, si c’était une « Vénousienne » : tant pis pour elle !…

Le chevalier approchait de l’île, le plus fort du courant étant franchi. C’est alors qu’un chant délicieusement limpide lui fit prêter l’oreille. Il ne percevait pas les paroles, mais la mélodie, déjà, avait trouvé sa fibre sensible. Il ramait indolemment. Une femme chantait divinement dans son cœur.

Dyonis amena sa barque dans une petite anse sous des retombées flexueuses de tamariniers et de lauriers-roses. Le chant s’était rapproché, toujours merveilleusement pur et rythmé. Le jeune homme, immobile sur son banc, ondulait de tout son être avec les enivrantes modulations de la mélodie. L’une de ses rames grinça en tournant dans sa gaine.