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l’île des femmes

ver. « Toujours la prudence est bonne pourvoyeuse de nos nécessités », pensait notre nouveau Robinson.

Au crépuscule finissant, le chevalier accomplissait cette première partie de son programme avec une ruse d’Indien. Sa cueillette faite, il revint à la lisière du bois et chemina en s’abritant derrière le premier rideau de feuillage, l’œil et l’oreille aux aguets. Bien que toujours inquiet par moments son cœur se dilatait dans l’ivresse de l’action en se réconfortant de l’espoir qui la soutient et lui assigne un but. Les eucalyptus, et d’autres plantes qu’il n’avait pas le loisir de reconnaître, embaumaient sa marche. À travers le lacis des branchages, il voyait les fleurs de l’orée en nappes vives, les orangers piqués d’or et l’océan qui buvait au loin les dernières lueurs du jour.

Des étoiles claires crépitaient déjà dans le lin pur du ciel, lorsque le chevalier fut obligé de quitter le bois concertant pour se diriger vers les hauts rochers, jalonnant la première partie de son itinéraire. Après avoir traversé un champ rèche d’esparcettes, grande fut sa surprise, en s’élevant avec le terrain, de trouver, à flanc de coteau, un vignoble chargé de raisins mûrissants, des figuiers épars dont il cueillit sans peine, en tâtonnant entre les feuilles, les fruits mielleux et mous. Ô Provence ! terre bénie où nasillent les cigales ! le chevalier Dyonis de Saint-Clinal, Marseillais de toute son âme, croyait bien t’avoir retrouvée avec l’odeur amère des