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l’île des femmes

dans l’herbe et baies vives sur les buissons. Plus loin, sur un plateau élevé, le froment et l’orge, moissonnés depuis longtemps sans doute, formaient de hautes meules brunes ou dorées. De belles routes, droites comme des viæ romaines, bombaient avec leur empierrement de granit rose. La multitude des arbres de la forêt semblait toute formée de ces végétaux de luxe que l’on voit dans les serres européennes.

L’enchantement de la beauté terrestre grisait Dyonis dans cette Arcadie tropicale que tempérait si délicieusement, à cette heure, la faible brise aérant toute l’immensité limpide. Vert bleu au large, l’Atlantique poussait dans l’anse la plus proche des ondulations violettes. Dans une baie éloignée, l’eau purpurine comme du vin clairet à ses franges côtières était étrangement rouge jusqu’à la barre houleuse du large.

Bien sûr, ce moment de paradisiaque contemplation ne pouvait durer. Le chevalier ne tarda pas à se souvenir de sa situation. Il était seul et responsable de lui-même. Il eut alors une vision rapide de Marseille, de sa mère qu’il aimait tant, de son noble et généreux père, de ses sept frères, tous si affectueux pour leur benjamin.

Les yeux baignés de larmes, le jeune navigateur comprit que le souvenir de La Centauresse, le regret de tous ceux qu’elle portait, comme l’enivrement de l’Eden dans lequel il venait de naufrager ne devaient point le distraire, pour le moment, du