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l’île des femmes

Un tronçon de mât, entraîné par un courant, passait à quelques brasses de lui. Il donna ce qui lui restait de forces pour l’atteindre. Lorsqu’il s’y fut cramponné, d’un dernier effort il se hissa jusqu’à ce que le madrier se trouvât sous les aisselles. Alors le chevalier se laissa emporter, l’esprit brisé par le désastre.

Au loin, les vaisseaux tonnaient foujours comme entre des parois de fer. Le grand soleil rouge s’immergeait à moitié dans la mer, sous l’horizon vulcanien du couchant. Une bombe venue du ciel tomba près du jeune explorateur et fit passer sur lui une lourde masse d’eau salée. À partir de ce moment, étreignant toujours son épave, Dyonis flotta, à demi évanoui.

Lorsque le chevalier reprit ses sens, il gisait sur une grève de sable, la tête appuyée à son tronçon de mât. Le reflux l’avait laissé là, le corps à demi recouvert de sargasses. Il se dressa d’un bond, étonné de se trouver seul dans la nuit noire. Toute l’astronomie du ciel austral scintillait dans le bleuté sombre des espaces silencieux. Il voyait la Croix du Sud, le Centaure, le Navire, le Scorpion, le Grand-Chien, la tremblante Canopus, et il se cherchait encore lui-même. Lorsqu’il se fut réidentifié en sa personnalité et avec les circonstances, le jeune homme, encore un enfant par le cœur, se prit à sangloter, tremblant de froid, les dents claquantes. Il voyait, engloutis dans l’océan impitoyable, ses maîtres, le capitaine Le Buric, le beau lieutenant