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l’île des femmes

poing sur son front, s’arcbouta, et l’on aperçut alors, dans ses gros yeux larmoyants, une expression allant de l’inquiétude la plus vive à l’égarement. Et sa voix rude aussi changeait : on eût dit qu’elle sortait d’un trou profond.

— Il y a des chauves-souris dans les voiles. Voyez, regardez au bonnet de cacatois cette face camarde qui ricane. Une main de squelette pêche des âmes avec un fil hameçonné. La cale est pleine d’un rire infernal… Et ces machines qui nous cassent la tête de leur aile tournante… l’escadrille du diable ! la voilà, la voilà…

Le vieux marin prononça des paroles encore plus incohérentes devant ses compagnons atterrés, autant par la démence de ses propos que par celle des regards. Enfin, Le Buric revint par ces paroles à quelque chose de plus intelligible :

— Priez ! P. Loumaigne, priez pour vous, pour nous tous qui sommes outres pleines de péchés !

Le maître de manœuvre vint informer le commandant d’une dérive légère. Le vieux loup de mer reprit aussitôt son regard lucide. Le chevalier qui l’observait eut l’impression que le capitaine venait de passer, sans transition, d’une personnalité dans une autre. Il le vit s’éloigner d’un pas tranquille avec le bas officier et donner posément ses ordres. À son front perlaient des gouttes de sueur.

Aucun incident ne marqua les instants qui suivirent. Maître Pintarède nommait au père Lou-