Page:Raymond Clauzel L'Ile des femmes 1922.djvu/52

Cette page n’a pas encore été corrigée
42
l’île des femmes

gros yeux globuleux, la protestation véhémente de son esprit contre ces réalités invraisemblables, absurdes. Le P. Loumaigne, lui, allait et venait sur le pont avec une jubilation extrême. Aussi bien que le chevalier son élève, il débordait d’impatience et d’enthousiasme.

Il était impossible aux uns et aux autres d’accompagner leurs étonnements et constatations de commentaires trop de surprises sollicitant à la fois leur attention émerveillée.

Le lieutenant Tamarix venait de s’écrier :

— Regardez ! regardez ! les phares…

Dans ce que l’on avait pris pour les échauguettes d’un môle ou pour des phares, chacun pouvait distinguer maintenant à l’œil nu, même maître Onésime avec ses lunettes, des statues gigantesques, comme le colosse de Rhodes, taillées dans un marbre vert ainsi que de l’émeraude. Elles représentaient deux femmes jumelles, deux déesses plutôt, nues et immobiles, une main protégeant leur regard aigu, qui fouillait la plaine marine. Le flot battait leurs genoux. Une ligne rousse marquait, au-dessus des hanches, l’empreinte des mers plus hautes. Le torse s’élançait de cette gaine d’algues dans un jet de beauté voluptueuse et puissante. Les reins étirés, les seins gonflés et provoquants, le cou tendu donnaient une impression de frémissement et d’attente dominatrice.